La plus grosse crainte lorsqu'on est un couple en pleine tentative PMA c'est qu'un médecin vienne vous expliquer au lendemain d'une ponction, que malgré tout le traitement, toutes les injections, malgré la douleur de l'intervention, malgré la FIV, aucun embryon viable n'a pu être exploité.
Ceux qui ont vécu cette situation savent le coup de massue sur la tête que l'on reçoit à cet instant, en même temps qu'un coup de poignard dans le cœur.
Au contraire, tous les couples en PMA rêvent d'une chose : à l'issue du protocole PMA, récupérer le plus d'embryons possibles pour augmenter les chances d'être un jour parent. Car le nombre de tentative est compté.
En 2011, deux ans après la naissance de notre fils (le héros du livre "père malgré tout"), nous étions répartis en PMA avec la même équipe. La première FIV n'avait rien donné, mais la seconde avait été efficace : le médecin nous avait expliqué que "la chasse aux œufs" avait été bonne avec 5 embryons, dont quatre très beaux et un moins beau. Nous avons réimplanté les deux premiers embryons "frais" et mis en congélation les trois derniers. Et notre fille est née de cette réimplantation.
Passée la joie de cette naissance se pose vite une question : que vont devenir les trois autres embryons toujours congelés ?
La première solution est la plus naturelle : la réimplantation. Mais cette option suppose deux choses : (1) que vous ayez envie d'une famille nombreuse et les moyens de l'assumer et (2) que vous soyez prêts psychologiquement à vous replonger dans le cirque de la PMA car on ne réimplante pas un embryon comme on avale un doliprane. Et ce dernier point est pour beaucoup psychologiquement insurmontable (c'est mon cas).
La seconde solution est le don à la science pour des expérimentations. Ce choix s'apparente à mon sens à celui de la troisième solution : la destruction. Ce sont pour moi des alternatives difficiles à imaginer car ce ne sont pas de simples ovules ou de la simple semence mais ce sont des embryons de plusieurs dizaines / centaines de cellules. Ça n'a rien à voir, bien sur, avec un fœtus (je prends les devants contre les plus ultras d'entre vous qui pourraient lire et imaginer qu'un embryon a une tête des bras et des jambes). Mais tout de même : c'est le début d'une vie.
La dernière solution, c'est le don à des couples qui ne peuvent pas avoir d'enfants seuls. Et là, trois problèmes se posent. Le premier problème, comme le souligne mon épouse c'est qu'on risque un jour de croiser dans la rue un jeune homme ou une jeune fille et de se dire "oh regarde, on dirait Stanislas (ou clémence) au même âge", et de se regarder d'un drôle d'air. Le second problème ce sont les rencontres fortuites : le monde est petit dit-on, et la France l'est plus encore. Comment garantir que notre fille (celle qu'on élève aujourd'hui) ne va pas tomber un jour amoureuse de notre fils (celui élevé par un autre couple), sans connaître cette filiation ? Enfin, il y a un troisième problème : l'anonymat lié à notre don.
Aujourd'hui l'anonymat est absolu : impossible pour l'enfant né de nos embryons de savoir qui sont ses parents biologiques. C'est peut être une bonne chose, peut-être pas. Pour ma part, j'aimerais imaginer que si la question devenait une obsession pour nos "enfants" nés de nos embryons, ils puissent faire des démarches à leur majorité pour en savoir plus au lieu d'en faire le combat d'une vie au détriment de leur équilibre.
J'imagine les choses de la manière suivante : le couple donateur, au moment du don, pourrait signaler s'il souhaite le faire de façon purement anonyme ou s'il souhaite pas. Dans le premier cas, jamais l'enfant né de leur don ne pourra remonter jusqu'à eux, comme c'est le cas aujourd'hui. Dans le second cas, ils pourraient préciser le niveau d'information qu'ils souhaitent laisser aux enfants nés de ces embryons. Le premier niveau serait simplement de laisser une lettre, des photos simplement pour expliquer qui ils sont (éventuellement sans en dire plus sur leur identité mais assez pour satisfaire le besoin de connaître ses origines). Le second niveau serait de d'accepter de révéler son identité si le jeune, né de ce don, fait un jour la démarche pour en savoir plus.
Enfin, cette démarche pour connaître ses origines devrait être encadrée avec plusieurs étapes de préparation, d'accompagnement en compagnie de ses "vrais parents", c'est à dire ceux qui l'auront élevé, pour s'assurer que le jeune souhaite vraiment en savoir plus sur ses origines et s'il est prêt.
Sous cette forme j'imagine que nous pourrions envisager le don. Mais de façons générales quand viendra le moment de se décider nous passerons certainement quelques nuits blanches.
Comme on le voit, la médecine permet aujourd'hui de faire des miracles, mais ces miracles génèrent des situations complexes sur le plan humain et éthique. Pas étonnant que ces sujets génèrent autant de débats et prennent du temps pour mûrir.
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